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Félicie n’avait été ni la robuste virago qui échappe au baiser par une gourmade sérieuse, ni la femme pudique à qui l’on n’exprime pas deux fois des désirs outrageants. La fièvre de Tonino s’était allumée en elle depuis longtemps déjà quand elle m’avait aimé d’une affection plus digne et plus morale, mais déjà souillée par des appétits secrets d’une âpreté invincible et fatale. Jusque-là pourtant, je n’avais pas le droit de m’indigner. Je souffrais et je rougissais de ce partage des sens ; mais j’avais déjà, devant quelques aveux de Félicie, subi cette rougeur et cette souffrance. Pourquoi n’avais-je pas poussé plus avant l’examen de sa situation et de son caractère. J’avais craint de l’outrager, je l’avais trop respectée. En la voyant inquiète et blessée, j’avais accepté des réponses évasives. Si je n’avais pas été mieux éclairé, c’était ma faute ; il ne faut jamais s’en prendre aux autres des fautes que l’on commet, même quand ce sont des fautes généreuses.

Que s’était-il donc passé depuis que cet amour de Tonino pour sa cousine avait paru prendre fin dans les bras de Vanina et dans le sourire de son premier enfant ?

Rien peut-être ?

Allons donc ! on m’avait menti, on s’était caché de moi ; donc, on était coupable, et cette fois criminel, car on s’était indignement joué de ma bonne foi. On m’avait témoigné de part et d’autre une affection ardente, on s’était vanté de dévouements sublimes.