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j’allai réfléchir et essayer de me reposer à la Quille. J’étais fatigué comme si j’avais fait le tour du monde. L’enthousiasme de la veille était trop surhumain pour être durable ; il fallait payer mon tribut à la nature.

J’eus de terribles accès de fièvre, du chagrin amer, des colères dévorantes, des indignations à tout briser. Je fus exaspéré, je fus abattu. Deux jours et deux nuits se passèrent ainsi. Le troisième jour, je fus calme et je dormis. Il fallait prendre un parti au plus vite. Deux fois, Félicie, inquiète de mon absence, était montée à mon chalet. Deux fois, la voyant arriver, je m’étais soustrait à l’angoisse de sa présence en me réfugiant dans des retraites inaccessibles. Je ne voulais pas me venger sur sa santé et sur sa vie, je ne voulais pas exploiter ses remords ou ses craintes. Cela ne m’eût point semblé digne d’un homme.

Je ne pus arrêter qu’un plan provisoire. Avant de disposer de mon avenir et de celui de ma femme, il me fallait connaître tous les détails de notre situation, me rendre un compte exact de la vérité, et prononcer, dans ma conscience sans erreur et sans défaillance. Interroger Félicie n’était pas le moyen de saisir le vrai ; elle savait mentir, je n’en pouvais plus douter. Et, quand même j’arriverais à lui arracher la confession complète des faits, jamais elle ne pourrait m’en faire saisir les vraies causes. J’avais bien constaté qu’elle manquait de logique, je n’avais plus à m’étonner qu’elle manquât de conscience.

Soumettre son complice à un interrogatoire, c’était