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grandissais jusqu’aux astres, que je les touchais, que je palpitais de leurs flammes, que je tenais le monde et mon cœur dans chacune de mes mains, que j’étais fort comme Dieu, que j’étais heureux comme l’infini, que je chantais dans une langue inconnue. Que sais-je ? j’étais probablement fou dans ce moment là ; mais non, allez, je n’étais pas fou ! j’étais surexcité, extralucide peut-être ! Je voyais au delà de ma vie individuelle, la bassesse du mal et la splendeur du bien, ces deux pôles de l’âme humaine. Un crime venait de me plonger dans l’enfer des ténèbres, car les êtres humains sont liés par une terrible solidarité, et ceux qu’on aime particulièrement font en quelque sorte partie de nous-mêmes. En découvrant que les deux objets de ma plus tendre affection étaient gangrenés et pourris, j’avais senti la mort entrer en moi, la honte dont ils étaient couverts m’avait souillé, j’avais rougi et pâli comme si j’étais le complice de leur chute. Le mal était déchaîné sur la terre, il triomphait de tout, de moi comme des autres. Il n’y avait en ce monde que mensonge et brutalité. Puisque deux êtres que j’avais placés si haut dans mon estime et dans ma tendresse ne valaient pas mieux que les derniers des sauvages, pouvais-je être assuré de moi-même ? n’étais-je pas capable de descendre aussi bas ? Quelle garantie pouvais-je désormais offrir aux hommes et à Dieu de ma propre droiture et de ma propre chasteté ?

Mais, quand ce nuage se dissipa, quand le rayon-