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— Parlez : quelles sont ces choses ?

— Vous ne vous en doutez pas du tout ?

— Pas du tout.

— Eh bien…

Il s’arrêta ; la sueur perlait sur son front, il se débattait contre quelque secrète angoisse.

— Monsieur Sylvestre, s’écria-t-il en me saisissant le bras avec force, pourquoi est-ce que vous laissez vivre ce maudit chien d’italien qui vous trompe ? Êtes-vous un homme, oui ou non ? Les gens comme vous qui ont reçu de l’éducation et qui ont vécu dans le monde des riches sont-ils d’une nature autre que nous autres gens de campagne ? Leur est-il commandé d’endurer des insultes et de laisser leurs femmes dans le danger de se faire montrer au doigt ? Tenez, moi, je ne suis rien pour Félicie : elle ne me doit rien, et je ne lui dois rien non plus ; mais, si j’arrive à découvrir qu’elle est coupable, je serai guéri de l’amour pour le restant de ma vie. Je mépriserai toutes les femmes et je resterai vieux garçon. Ça me fera un effet de voir Félicie menteuse et lâche, un effet à n’en jamais revenir ! Et vous, vous êtes là bien tranquille, un peu pâle, voilà tout, mais souriant encore et me regardant d’un air de pitié, parce que vous me prenez pour un méchant qui se venge, ou pour un fou qui a des visions.

En effet, je le croyais en proie à quelque accès de démence. Il s’en irrita et me défia de venir m’assurer du fait.