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elle est malade, soyez certain qu’elle l’est. Elle travaillera comme de coutume, elle aura l’air de dormir et de manger. Elle sera même gaie, si elle craint de vous affliger ; mais elle aura une fièvre violente, et elle la gardera tant que vous n’aurez pas fait rentrer dans l’esprit le rayon consolateur. Les prescriptions du médecin n’y feront rien ou presque rien ; soyez donc le médecin de votre femme. Moi, je suis un ami et non un charlatan.

Cette conversation laissa en moi une certaine inquiétude, et, durant plusieurs jours, j’observai Félicie avec une attention plus grande. Je ne découvris rien qui ne me fût déjà connu. Son impressionnabilité datait certes du jour de sa naissance, et ce qui eût été maladie ou destruction pour moi était pour elle action et vitalité. De ceux qui comprennent de telles organisations, les médecins sont les derniers, surtout les vieux médecins instruits et raisonnables. Malgré eux, ils voudraient ramener la nature à la logique naturelle : quoi de plus sage ? Mais il se trouve souvent que les types anormaux auraient besoin d’échapper au contrôle de la raison. Peut-être à la folie faudrait-il un traitement antirationnel.

Pourtant je m’efforçais de faire prédominer le simple bon sens dans l’esprit agité de ma compagne, et j’y avais mis tant de patience et d’adresse, j’avais couvert les dehors de l’enseignement avec tant d’enjouement et de douceur, que je croyais être arrivé au but. Comment expliquer le désastre qui m’atteignit