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sommeil, l’appétit et l’équilibre intellectuel. Chez madame Félicie, il en est autrement ; sa volonté est le seul foyer de ses forces physiques, et rien d’extérieur n’agit bien directement sur elle. C’est la disposition de son esprit qui la rend forte ou faible ; en un mot vulgaire et rebattu, mais toujours vrai, la lame use le fourreau. Ne la faites pas trop réfléchir, et, si elle a la velléité de s’instruire, ménagez l’entendement. C’est chez elle un puissant instrument de perception, mais ce ne sera jamais un magasin d’idées acquises où les choses se classeront dans l’ordre logique. Donnez l’essor à l’activité, l’aliment à la bonté et à la tendresse. Ne lui demandez pas d’être bien conséquente avec elle-même ; traitez-la comme un enfant dont on ménage les moyens de compréhension et dont on tâte les aptitudes. Elle n’a point de mal organique particulier, non. Rassurez-vous à cet égard ; mais voyez la mobilité de la physionomie à la moindre émotion, tâtez le pouls souvent et reconnaissez que l’état fébrile se déclare avec une soudaineté inouïe sous l’empire de la plus légère excitation nerveuse. Surtout cachez toute inquiétude, car elle vous cacherait tout symptôme. Elle a une puissance de réaction extraordinaire, et je l’ai vue très-gravement malade sans que personne s’en doutât autour d’elle. Apprenez à la voir avec des yeux clairvoyants qui savent cacher leur clairvoyance. Je ne connais personne de plus difficile à interroger et à soigner. Si, par hasard, elle avait un chagrin sérieux, ne vous demandez pas si