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— Croyez-vous donc que la privation de postérité soit pour elle un malheur sans compensation ?

— Elle se soumettra en gardant ses illusions le plus longtemps possible. D’ailleurs, ceci est un détail. J’appelle votre attention sur un ensemble de circonstances et je vous dis : Faites-lui la vie calme, si vous voulez qu’elle vive.

— Il faut vous expliquer, m’écriai-je. Nous sommes seuls, et vous n’avez personne à ménager, car je suis un homme, et je puis tout accepter, tout prévoir. Je dois savoir si quelque mal sérieux menace ma compagne, afin de le conjurer à tous les instants de notre existence. Parlez.

— Eh bien, reprit-il, je vous parlerai comme un homme simple, mais expérimenté, doit parler à un homme intelligent et sérieux. Mademoiselle Morgeron a été longtemps entre la vie et la mort par suite de malheurs et de chagrins que vous n’ignorez pas. Elle est depuis longtemps rétablie. Une volonté bien entendue et bien employée lui a créé des forces nouvelles ; mais, si on modifie une organisation, on ne la transforme pas dans son essence, et nous avons ici une organisation anormale. Je l’ai bien étudiée et comme un type rare dans sa classe. Chez la plupart des gens de campagne, — j’appelle ainsi, à quelque rang qu’ils appartiennent, tous ceux qui vivent en contact continuel avec la nature rustique, — le corps réagit sur l’âme avec une bienfaisante énergie, le grand air et l’exercice leur donnent forcément le