Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je le vois bien, me disait-elle alors : les uns croient que la cupidité vous a rendu indulgent ; j’ai beau leur dire que vous n’avez pas voulu avoir la moindre part à ma fortune, ils ne comprennent pas et ils ne croient pas ; les autres vous respectent, mais ils vous plaignent, et ma faute leur paraît d’autant plus énorme que vous me l’avez pardonnée. Ah ! j’ai été une égoïste ; je n’ai pas prévu que l’opinion ne se rendrait pas, et que vous porteriez votre part de ma honte. J’ai eu bien tort, ami, de ne pas suivre mon instinct. Savez-vous que cent fois j’ai failli vous dire : « Aimez-moi et ne m’épousez pas ! je serai votre maîtresse et votre esclave, je ne me sens pas digne d’être votre femme. »

— Vous avez bien fait, lui disais-je, de ne pas me présenter cette lâche tentation. J’aurais cru que vous me jugiez capable d’y céder et que vous ne m’estimiez pas.

— Vous êtes bien rigide ! quel si grand crime auriez-vous commis en me donnant votre amour sans me donner votre nom ?

— J’eusse manqué de foi envers votre frère et vous qui m’aviez accueilli comme un frère. Puis ces liaisons-là, Félicie, ont pour excuse la jeunesse, qui brise tous les freins sans en avoir conscience ; elles sont une honte pour l’homme dans la force de l’âge, surtout quand il n’y a pas d’obstacle entre lui et l’objet de sa passion.

Elle arrivait à comprendre que l’on pouvait allier la