Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aimée avec ardeur par ce jeune homme et contemplée par vous avec une sorte de respect, comme si elle méritait votre estime ! Qu’a-t-elle fait pour vous paraître sainte ? Sans moi, sans mes menaces, Tonino eût depuis longtemps flétri cette pureté de hasard, et c’est à moi qu’elle doit de pouvoir mettre aujourd’hui le bouton d’oranger à sa ceinture ! Comment voulez-vous que je ne sois pas irritée de l’air de triomphe avec lequel Tonino va la conduire à l’église ? Il fallait bien rabattre un peu leur orgueil ! Et vous me blâmez de l’avoir essayé ! C’est me dire que je n’ai pas le droit de faire la morale aux autres ; c’est m’humilier cruellement ! Et avec cela vous me demandez si je regrette que Tonino soit heureux, comme si j’étais une mauvaise mère, ou comme si… Non, je ne veux pas aller jusqu’au fond de votre pensée. Il me semble que j’y trouverais toujours suspendu sur ma pauvre tête ce mépris qui doit me tuer.

Elle pleura amèrement, je dus la calmer, la rassurer, la consoler. Tonino m’appelait avec impatience. On nous attendait pour partir. Il entra et vit Félicie en larmes. Ses yeux expressifs se portèrent sur moi. Ils me disaient clairement : « Je le savais bien que vous ne pouviez pas être heureux l’un par l’autre. »

J’entraînai Félicie, honteux et irrité de sa figure souffrante, encore sillonnée de larmes. La Vanina la regardait timidement, avec un mélange de compassion, de respect et de fierté, comme si elle eût été