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ne veux pas qu’elle en ait par ma faute. Faites donc que ma cousine nous marie, voilà tout ce que j’avais à vous dire. Ne le prenez pas en mauvaise part ; j’aimerais mieux mourir que de vous offenser.

C’est ainsi qu’avec son ingénuité pénétrante et son prétendu gros bon sens, si délié, Tonino me torturait. J’en revenais à me demander s’il n’avait pas l’âme profondément perfide, s’il n’amenait pas habilement toutes ces explications, en apparence fortuites, pour me punir d’avoir inspiré l’amour auquel il avait prétendu, qu’il avait obtenu peut-être avant moi, et que je lui avais ravi…

Devant cette atroce supposition, la loyauté de mon âme se révoltait et criait : « Non ! c’est impossible ! » Quelle autre énigme alors me présentait l’attitude de Félicie ? Était-ce pour me punir de mes soupçons qu’elle brisait avec tant d’opiniâtreté le pacte de famille où Tonino avait sa place marquée, légitime, pour ainsi dire inaliénable ? Elle semblait vouloir se rendre coupable envers lui, envers moi et envers elle-même, pour m’apprendre qu’il ne fallait pas jouer avec son orgueil et la mettre au défi de se justifier.

Et, comme si tout devait se flétrir et s’empoisonner en nous et autour de nous, voilà que Tonino, l’objet de ses dédains affectés, se plaignait à moi — se vantait peut-être ! — de lui inspirer de la jalousie !

Il y avait des jours où je croyais voir clair dans toute cette intrigue : Tonino feignait d’aimer la Vanina pour irriter Félicie et l’attirer dans ses bras