Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un peu, que nous aimions beaucoup et dont nous savions le caractère absolument respectable.

Ce vieillard a été marié, et il a eu une fille fort belle ; la femme est morte après avoir gaspillé par vanité une grande fortune. La fille a fait pis que de mourir. Après avoir tenté vainement de l’arracher au désordre, M. Sylvestre, vers l’âge de cinquante ans, lui abandonna les dernières ressources dont il disposait, afin de lui ôter tout prétexte d’indigne spéculation, sacrifice très-inutile qu’elle dédaigna, mais qu’il jugea nécessaire à son propre honneur. Il partit pour la Suisse, où il ne garda de son nom que le prénom de Sylvestre et où il a passé dix ans, complétement perdu de vue par ceux qui l’avaient connu en France.

On l’a retrouvé plus tard non loin de Paris, dans un ermitage où il vivait avec une sobriété phénoménale moyennant une rente de trois cents francs, fruit de son travail et de ses économies à l’étranger. Il s’est laissé persuader enfin de passer les hivers chez M. et madame***, qui le chérissent et le vénèrent particulièrement ; mais il a une telle passion pour sa solitude, qu’il y retourne dès que les bourgeons paraissent aux arbres. C’est le dernier anachorète, et il passe pour athée ; mais c’est, au contraire, un spiritualiste obstiné qui s’est fait une religion conforme à ses instincts et une philosophie prise un peu partout. En somme, malgré l’admiration qu’on lui décerne dans la famille***, ce n’est pas une intelligence bien lumineuse ni bien complète ; mais c’est un noble et sym-