Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’ailleurs, qu’il acceptera votre autorité paternelle comme il acceptait celle de Jean. Le mieux, c’est de lui faire une pension convenable et de l’envoyer chercher de l’ouvrage selon son idée. J’ai assez souffert de vous à cause de lui. Je n’en pourrais supporter davantage ; j’en deviendrais folle. Je ne veux plus de lui ici !

Félicie redevenait exagérée et presque tragique ; mon sourire l’irrita encore.

— N’est-ce donc rien, reprit-elle, que les menaces que vous m’avez faites hier ? J’avais d’abord cru que vous parliez en thèse générale ; mais, quand le nom de Tonino est venu sur vos lèvres au milieu de tout cela, j’ai bien vu que je ne vous avais jamais compris. J’y ai songé cette nuit, allez ! Si vous avez tant dédaigné mon amour au commencement, c’est parce que vous étiez jaloux de Tonino. Moi, je croyais que ce serait le contraire, et que vous n’étiez pas encore assez jaloux. Voilà pourquoi je vous ai révélé des misères que j’aurais mieux fait de garder pour moi. À présent, je vous connais ! Quand vous soupçonnez, vous n’aimez plus, vous méprisez ! Ah ! j’ai été bien imprudente, et je me déteste pour cela.

— Félicie, m’écriai-je, dites-moi que vous m’avez trompé pour éprouver mes sentiments ; dites-moi que Tonino n’a jamais été épris de vous : je pardonnerai un mensonge dont vous n’avez pas compris la gravité ; j’en rirai avec vous, je vous en remercierai même et avec transport, si vous me délivrez