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nuit au lieu de dormir. Quand sa mémoire les eut bien classées, elle n’y retomba plus jamais.

Elle eut plus de peine à corriger son accent, mais elle sut très-vite en faire disparaître les intonations vulgaires. Ce fut pour elle comme une leçon de musique que je lui donnais, et son instinct musical la servit admirablement pour cette réforme. Elle apprit aussi à causer, et c’est ce qu’elle avait toujours ignoré le plus complétement. Elle était de ces esprits impétueux qui n’écoutent de ce qu’on leur dit que ce qui répond à leur préoccupation. Ainsi elle s’emparait d’un seul mot qui l’avait frappée, et, comme un critique de mauvaise foi qui s’attaque à une citation tronquée, elle dénaturait avec une habileté ingénue et tenace le sens de ce qu’on lui avait dit, pour répondre à ce que l’on n’avait pas songé à lui dire. Elle abjura formellement ce procédé intellectuel, non pas tout de suite après que je lui en eus démontré les inconvénients, mais aussitôt que je lui en eus fait sentir le côté puéril et ridicule. Elle avait un amour-propre immense avec moi, et, pour la corriger, il me fallait faire la chose la plus contraire à mon naturel, il fallait employer la raillerie. Moi qui suis tout bienveillance, je souffrais d’en venir là, car je la faisais beaucoup souffrir elle-même ; mais elle le voulait en somme.

— Ma volonté est souple, disait-elle ; mais mon instinct est rétif. J’ai beau vouloir ce que vous voulez, quelque chose en moi résiste par habitude. Il faut