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juste. Je veux rester étranger à tout ce qui est propriété ou contrat quelconque. Vous me garderez chez vous comme un bon ouvrier : quand je serai infirme ou fatigué, vous me garderez par amitié, par reconnaissance ou par charité, peu m’importe, j’ai confiance en vous ; je ne veux pas d’engagements réciproques. Voilà le résultat des réflexions que je vous avais promis de faire sur notre association. Elles sont faites, et elles sont absolues.

Et, comme Jean s’apprêtait à répondre tandis que Félicie baissait la tête comme brisée ou offensée, je me hâtai d’ajouter :

— Une circonstance eût pu nous lier davantage les uns aux autres. C’est la possibilité d’un mariage entre Félicie et moi, et, quelque bizarre que puisse vous paraître cette prétention chez un homme de mon âge, je veux vous confesser que l’idée m’en est venue et m’a paru par moments admissible ; mais pardonnez-la-moi. Si j’ose vous en parler naïvement aujourd’hui, c’est parce qu’elle s’est effacée entièrement de mon esprit, et que je me la reproche comme une folie et une impertinence, c’est que je l’ai repoussée sans retour, et que je suis sûr de n’y revenir jamais.

— Eh bien, dit Jean avec un gros soupir, vous avez eu tort. L’idée n’était pas si folle ; elle m’était venue aussi, à moi, et peut-être que ma sœur,… bien qu’elle n’y ait jamais songé, ne l’eût pas apprise avec colère : qui sait ? Réponds donc, Félicie !