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remplit le ciel. Elle est simple, elle est une, comme la vie. Elle vibre jusqu’à l’infini. Aucune de tes pensées ne peut troubler, ni suspendre, ni faire dévier de sa marche éternelle la note souveraine qui dit l’amour. »

J’essayais en vain de répondre dans mon cœur. J’invoquais la céleste amitié, le sacrifice de soi, la douce pitié, l’appui paternel et désintéressé, tout ce qui pouvait me sembler plus pur et plus grand que la passion assouvie : le violon de Crémone n’écoutait pas ; il chantait, il planait toujours, il répétait sans se lasser sa phrase monotone et sublime : l’amour, rien que l’amour !

Vaincu encore une fois, je me levai, et, laissant là ma blouse et mes outils, je descendis au grand chalet. Du rocher auquel il était adossé, je m’aperçus que ma vue pouvait pénétrer dans la salle où se tenait la famille pendant et après les repas, car c’était une salle à manger et un salon, une belle pièce vaste, toute lambrissée de sapin verni, avec une grande table, des meubles sculptés dans le goût allemand, des faïences curieuses, un beau christ en ivoire, ancien objet d’art italien. Les fenêtres étaient petites mais nombreuses ; le plafond peu élevé et les parois claires donnaient un ton de gaieté sereine à ce parloir d’une décoration riche et austère. Je crus d’abord qu’il n’y avait personne ; mais, en tournant le sentier, je vis le fond de la pièce, et Tonino assis contre la porte ouverte de la chambre de Félicie. Elle était là, c’est dans sa chambre