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figure pâle et mobile exprimait quelque chose de plus que ses paroles. Ainsi, quand il racontait ses effusions de cœur avec la gardeuse de chèvres, il y avait, au coin de sa lèvre ombragée d’un soyeux duvet, je ne sais quoi de malin et de sensuel. Quand il disait que Félicie avait besoin d’un ami sérieux, son bel œil noir laissait jaillir un sombre éclair ; quand il promettait de me regarder comme son père, il y avait dans son accent quelque chose de câlin et de railleur qui semblait dire : « Vous serez aussi un père pour ma cousine, à votre âge ! »

Vous pensez bien que mon amour-propre en sourit sans regimber. Certes j’étais trop vieux pour prétendre à l’amour. Aussi n’y avais-je pas prétendu, et n’ayant rien à me reprocher de ce côté-là, je ne pouvais pas me sentir ridicule. L’amour venait m’appeler, me commander et me vaincre. Les jeunes gens pouvaient se moquer de moi, je ne méritais pas leur moquerie ; donc, elle ne me blessait pas.

Mais n’y avait-il aucune amertume dans la muette raillerie de Tonino ? Voilà ce que je ne pus savoir. Ses paroles n’en trahissaient rien ; elles étaient, au contraire, pleines de respect et d’affection. Devais-je me tourmenter d’une exubérance de physionomie qui tenait sans doute uniquement à la mimique de sa race ?

Pourtant je fus comme refroidi dans mon émotion, et, au lieu d’aller baiser les mains de Félicie, je résolus d’attendre encore. Attendre quoi ? Je n’aurais