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elle ne demeure qu’à une toute petite lieue d’ici, aux Désertes. Par la traverse, nous y serons dans une demi-heure ; le chemin est bon, et puisque vous aime à vous arrêter n’importe où, pour marcher au hasard dans la neige, vous verrez là un bel endroit et de la belle neige, le diable m’emporte ! Nous repartirions demain malin, et nous serions à Briançon avant midi. Allons, j’ai été franc, voulez-vous être bon enfant ?

— Oui, puisque je t’ai fait moi-même cette condition. Va pour les Désertes ! le non me lait, et la traverse aussi. J’aime assez les paysages qu’on ne voit pas des grandes routes ; mais s’il te prend fantaisie, mon compère, de rester plus longtemps avec ta femme ? Si ton cheval recommence demain à ne plus manger ?

— Voulez-vous vous fier à la parole d’un ancien militaire, mon bourgeois ? Nous repartirons ce soir, si vous voulez.

— Je veux me fier, répondis-je. En route !

Où cet homme me conduisit, tu le sauras bientôt, cher lecteur, et tu me diras si, dans l’accès de flânerie bienveillante qui me poussa à subir son caprice, il n’y eut pas quelque chose qu’un homme plus impertinent que moi eût pu qualifier d’inspiration divine. D’abord il ne m’avait pas trompé, le brave Volabù. Le paysage où il me fit pénétrer avait un caractère à la fois naïf et grandiose, qui s’empara de moi d’autant plus que je n’avais pas compté sur le discernement pittoresque de mon guide. Sans doute c’était son amour pour sa jeune femme qui lui faisait aimer ou mieux comprendre instinctivement la beauté du lieu qu’elle habitait. Il voulut reconnaître ma complaisance en exerçant envers moi les devoirs de l’hospitalité.

Il possédait là quelques morceaux de terre et une maisonnette très-propre où il me conduisit. Et quand il eut