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suis devenu haineux et colère aussitôt qu’en cherchant l’amour et l’amitié dans le commerce de mes semblables, je me suis heurté et brisé contre des égoïsmes pareils au mien. Les femmes que j’ai rencontrées (et je commence à croire que toutes sont ainsi) n’aiment qu’elles-mêmes, ou, si elles nous aiment un peu, c’est par rapport à elles, à cause de la satisfaction que nous donnons à leurs appétits de vanité ou de libertinage. Que nous ne leur soyons plus bons à rien, elles nous brisent et nous marchent sur la figure, et vous voudriez que j’eusse du respect pour ces créatures ambitieuses ou sensuelles, qui remarquent que je suis beau et que je pourrais bien avoir de l’avenir ! Oh ! ma mère m’eût aimé bossu et idiot ! mais les autres !… Essayez, essayez d’y croire, Salentini, et vous verrez !

— Mon cher Célio, vous avez raison en général ; mais, en faveur des exceptions possibles, vous ne devriez pas tant vous hâter de tout maudire. Moi qui n’ai jamais été gâté, et qui n’ai encore été aimé de personne, j’espère encore, j’attends toujours.

— Vous n’avez jamais été aimé de personne ?… Vous n’avez pas eu de mère ?… ou la vôtre ne valait pas mieux que vos maîtresses ? Pauvre garçon ! En ce cas, vous avez toujours été seul avec vous-même, et il n’y a point de plus terrible tête-à-tête. Ah ! je voudrais être aimant, Salentini, je vous aimerais, car ce doit être un grand bonheur que de pouvoir faire le bonheur d’un autre !

— Étrange cœur que vous êtes, Célio ! Je ne vous comprends pas encore ; mais je veux vous connaître, car il me semble qu’en dépit de vos contradictions et de votre inconséquence, en dépit de votre prétention à la haine, à l’égoïsme, à la dureté, il y a en vous quelque chose de l’âme qui vous a versé ses trésors.

— Quelque chose de ma mère ? je ne le crois pas. Elle