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je vous ai comprise d’emblée, et j’ai éprouvé la portée de mon propre cœur.

Cécilia me prit par le bras et me fit entrer dans la chambre de Stella et de Béatrice, qui communiquait avec cette même tourelle par un petit couloir. Stella rougissait beaucoup, mais elle ne fit pas de résistance. Cécilia me conduisit en face d’un tableau placé dans l’alcôve virginale de ma jeune amante, et je reconnus une Madoneta col Bambino que j’avais peinte et vendue à Turin deux ans auparavant à un marchand de tableaux. Cela était fort naïf, mais d’un sentiment assez vrai pour que je pusse le revoir sans humeur. Cécilia l’avait acheté, à son dernier voyage, pour sa jeune amie, et alors on me confessa que, depuis deux mois, Stella, en entendant parler souvent de moi aux Boccaferri et à Célio, avait vivement désiré me connaître. Cécilia avait nourri d’avance, et sans le lui dire, la pensée que notre union serait un beau rêve à réaliser. Stella semblait l’avoir deviné.

— Il est certain, me dit-elle, que lorsque je vous ai vu ramasser le nœud cerise, j’ai éprouvé quelque chose d’extraordinaire que je ne pouvais m’expliquer à moi-même ; et que, quand Célio est venu nous dire, le lendemain, que le ramasseur de rubans, comme il vous appelait, était encore dans le village, et se nommait Adorno Salentini, je me suis dit, follement peut-être, mais sans douter de la destinée, que la mienne était accomplie.

Je ne saurais exprimer dans quel naïf ravissement me plongea ce jeune et pur amour d’une fille encore enfant par la fraîcheur et la simplicité, déjà femme par le dévouement et l’intelligence. Lorsque la cloche nous avertit de nous rendre au théâtre, j’étais un peu fou. Célio vit mon bonheur dans mes yeux, et ne le comprenant pas, il fut