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— Qu’il dise après cela qu’il ne t’aime pas ! dis-je à la Boccaferri. Je la fis consentir à laisser subir encore un peu cette souffrance au pauvre Célio, et nous allâmes trouver ma chère Stella pour lui faire part de notre entretien.

Stella travaillait dans l’intérieur d’une tourelle qui lui servait d’atelier. Je fus étrangement supris*[*surpris ? *] de la trouver occupée de peinture, et de voir qu’elle avait un talent réel, tendre, profond, délicieusement vrai pour le paysage, les troupeaux, la nature pastorale et naïve.— Vous pensiez donc, me dit-elle en voyant mon ravissement, que je voulais me faire comédienne ? Oh, non ! je n’aime pas plus le public que ne l’a aimé notre Cécilia, et jamais je n’aurais le courage d’affronter son regard. Je joue ici la comédie comme Cécilia et son père la jouent ; pour aider à l’œuvre collective qui sert à l’éducation de Célio, peut-être à celle de Béatrice et de Salvator, car les deux Bambini ont aussi jusqu’à présent la passion du théâtre ; mais vous n’avez pas compris notre cher maître Boccaferri, si vous croyez qu’il n’a en vue que de nous faire débuter. Non, ce n’est pas là sa pensée. Il pense que ces essais dramatiques, dans la forme libre que nous leur donnons, sont un exercice salutaire au développement synthétique (je me sers de son mot) de nos facultés d’artiste, et je crois bien qu’il a raison, car depuis que nous faisons cette amusante étude je me sens plus peintre et plus poëte que je ne croyais l’être.

— Oui, il a mille fois raison, répondis-je, et le cœur aussi s’ouvre à la poésie, à l’effusion, à l’amour, dans cette joyeuse et sympathique épreuve : je le sens bien, ô ma Stella, pour deux jours que j’ai passés ici ! Partout ailleurs, je n’aurais point osé vous aimer si vite, et, dans cette douce et bienfaisante excitation de toutes mes facultés,