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époussetaient, donnaient de l’air, raccommodaient les accrocs faits au décor, huilaient les ferrures, etc. Les femmes s’occupaient des habits ; tout cela se fit avec une exactitude et une rapidité prodigieuses, tant chacun de nous y mit d’ardeur et de gaieté. Quand ce fut fait, le marquis réunit sa couvée autour de la grande table qui occupait le milieu du parterre, et l’on tint conseil. On remit les manuscrits de Don Juan à l’étude, on y fit rentrer des personnages et des scènes éliminés la veille ; on se consulta encore sur la distribution des rôles. Célio revint à celui de don Juan, il demanda que certaines scènes fussent chantées. Béatrice et son jeune frère demandèrent à improviser un pas de danse dans le bal du troisième acte. Tout fut accordé. On se permettait d’essayer de tout ; mais, à mesure qu’on décidait quelque chose, on le consignait sur le manuscrit, afin que l’ordre de la représentation ne fût pas troublé.

Ensuite Célio envoya Stella lui chercher diverses perruques à longs cheveux. Il voulait assombrir un peu son caractère et sa physionomie. Il essaya une chevelure noire.— Tu as tort de le faire brun, si tu veux être méchant, lui dit Boccaferri (qui reprenait son ancien nom derrière la porte d’ivoire). C’est un usage classique de faire les traîtres noirs et à tous crins, mais c’est un mensonge banal. Les hommes pâles de visage et noirs de barbe sont presque toujours doux et faibles. Le vrai tigre est fauve et soyeux.

— Va pour la peau du lion, dit Célio en prenant sa perruque de la veille, mais ces nœuds rouges m’ennuient ; cela sent le tyran de mélodrame. Mesdemoiselles, faites-moi une quantité de canons couleur de feu. C’était le type du roué au temps de Molière.

— En ce cas, rends-nous ton nœud cerise, ton beau nœud d’épée ! dit Stella.