Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée

la duchesse et que tu lui dois ton salut. Je me suis engagé à ne pas te nuire ; mais ce serait pousser l’héroïsme au-delà de mes facultés que d’aller faire la cour pour toi. Seulement je te devais la vérité, la voilà tout entière. Reste donc ou parle ; attends et espère, ou agis et éclaire-toi. De toute façon, tu es dans ton droit, et personne ne peut te supposer amoureux des millions, puisque, ce matin encore, tu ne voulais pas comprendre que le marquis de Balma était le père Boccaferri.

— Bon et grand Célio, m’écriai-je, comment te remercier ! Je ne sais plus que faire. Il me semble que tu aimes Cécilia autant que moi, et que tu es plus digne d’elle. Non, je ne puis lui parler. Je veux qu’elle ait le temps de te connaître et de t’apprécier sous la face nouvelle que ton caractère a prise depuis quelque temps. Il faut qu’elle nous examine, qu’elle nous compare et qu’elle juge. Il m’a semblé parfois qu’elle t’aimait, et peut-être que c’est toi qu’elle aime ! Pourquoi nous hâter de savoir notre sort ? Qui sait si, à l’heure qu’il est, elle-même n’est pas indécise ? Attendons.

— Oui, c’est vrai, dit Célio, nous risquons d’être refusés tous les deux si nous brusquons sa sympathie. Moi, je suis fort gêné aussi, car je n’étais pas amoureux d’elle à Vienne, et l’idée de l’être ne m’est venue que quand j’ai vu ton amour. J’ai un peu peur à présent qu’elle ne me croie influencé par ses millions, car je suis plus exposé que toi à mériter ce soupçon. Je n’ai pas fait mes preuves à temps comme tu les as faites. D’un autre côte, l’adoration qu’elle avait pour ma mère, et qui domine encore toutes ses pensées, est de force et de nature à lui faire sacrifier son amour pour toi dans la crainte de me rendre malheureux. Elle est ainsi faite, cette femme excellente ; mais je ne jouirai pas de son sacrifice.

— Ce sacrifice, repris-je, serait prompt et facile aujourd’