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et sa grande plume agitée par la bise. Il n’y avait rien d’étrange comme de voir ce personnage du temps passé traverser la campagne au clair de la lune, et de penser que ce héros de théâtre était plongé dans les rêveries et les émotions du monde réel.


XII. — L’HÉRITIÈRE.

Je trouvai en effet mes hôtes fort effrayés de ma disparition. Le bon Volabù m’avait cherché dans la campagne et se disposait à y retourner. Je sentis que ces pauvres gens étaient déjà de vrais amis pour moi. Je leur dis que le hasard m’avait fait rencontrer un des habitants du château en qui j’avais retrouvé une ancienne connaissance. La mère Peirecote, apprenant que j’avais fait la veillée au château, m’accabla de questions, et parut fort désappointée quand je lui répondis que je n’avais vu là rien d’extraordinaire.

Le lendemain, à neuf heures, je me rendis au château en prévenant mes hôtes que j’y passerais peut-être quelques jours et qu’ils n’eussent pas à s’inquiéter de moi. Célio venait à ma rencontre.— Tu as bien dormi ! me dit-il en me regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux.

— Je l’avoue, répondis-je, et c’est la première fois depuis longtemps. J’ai éprouvé un merveilleux bien-être, comme si j’étais arrivé au vrai but de mon existence, heureux ou misérable. Si je dois être heureux par vous tous qui êtes ici, ou souffrir de la part de plusieurs, il n’importe. Je me sens des forces nouvelles pour la joie comme pour la douleur.

— Ainsi, tu l’aimes ?

— Oui, Célio, et toi ?