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nous n’en avons que six ! Il faut donc faire des tours de force.

Essayons demain autre chose. Que M. Salentini fasse Ottavio, et que ma fille crée cette fâcheuse Elvire, toujours furieuse et toujours mystifiée, que nous avions fondue dans l’unique personnage d’Anna. Il faut voir ce que Cécilia pourra faire de cette jalouse. Courage, ma fille ! Plus c’est difficile et déplaisant, plus ce sera glorieux !

— Eh bien, puisque nous changeons de rôle, dit Célio, je demande à être Ottavio. Je me sens dans une veine de tendresse, et don Juan me sort par les yeux.

— Mais qui fera don Juan ? dit Boccaferri.

— Vous ! mon père, répondit Cecilia. Vous saurez vous rajeunir, et comme vous êtes encore notre maître à tous, cet essai profitera à Célio.

— Mauvaise idée ! où trouverais-je la grâce et la beauté ? Regarde Célio ; il peut mal jouer ce rôle : cette tournure, ce jarret, cette fausse moustache blonde qui va si bien à ses yeux noirs, ce grand œil un peu cerné, mais si jeune encore, tout cela entretient l’illusion ; au lieu qu’avec moi, vieillard, vous serez tous froids et déroulés.

— Non ! dit Célio, don Juan pouvait fort bien avoir quarante cinq ans, et tu ne paraissais pas aujourd’hui un Leporello plus âgé que cela. Je crois que je me suis fait trop jeune pour être un si profond scélérat et un roué si célèbre. Essaie, nous t’en prions tous.

— Comme vous voudrez, mes enfants et toi, Cécilia, tu seras Elvire ?

— Je serai tout ce qu’on voudra pour que la pièce marche. Mais M. Salentini ?

— Toujours statue à votre service.

— C’est un seul rôle, dit Boccaferri ; les rôles courts doivent nécessairement cumuler. Vous essaierez d’être Masetto, et le Benjamin, qui a beaucoup de comique, se