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couve en nous sans autre but déterminé, à l’heure qu’il est, que la révélation de l’art ; mais ne te fie plus à ton ami, Adorno ! et travaille pour ton compte sans l’appeler à ton aide.

En parlant ainsi, Célio me tenait la main et me la serrait avec une force convulsive. Je sentis, au tremblement de tout son être, que lui ou moi étions perdus.

— Qu’est-ce que cela ? nous dit Boccaferri en passant près de nous. Une distraction ? un dialogue dans la coulisse ? Voulez-vous donc faire envoler le dieu qui nous inspire ? Allons, don Juan, retrouvez-vous, oubliez Célio Floriani, et allons tourmenter Masetto !


XI. — LE SOUPER.

Quand cet acte fut fini, on retourna dans le parterre, lequel, ainsi que je l’ai dit, était disposé en salle de repos ou d’étude à volonté, et on se pressa autour de Boccaferri pour avoir son sentiment et profiter de ses observations. Je vis là comment il procédait pour développer ses élèves ; car sa conversation était un véritable cours, et le seul sérieux et profond que j’aie jamais entendu sur cette matière.

Tant que durait la représentation, il se gardait bien d’interrompre les acteurs, ni même de laisser percer son contentement ou son blâme, quelque chose qu’ils fissent ; il eût craint de les troubler ou de les distraire de leur but. Dans l’entr’acte, il se faisait juge ; il s’intitulait public éclairé, et distribuait la critiqué ou l’éloge.

— Honneur à la Cécilia ! dit-il pour commencer. Dans cet acte, elle a été supérieure à nous tous. Elle a porté l’épée et parlé d’amour comme Roméo ; elle m’a fait aimer ce