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adoptif, Boccaferri. Nous sommes ici pour tout le reste de l’hiver sans bouger ; nous y faisons, les uns leur éducation, les autres leur stage dramatique. On t’expliquera cela plus tard : maintenant il ne faut pas trop s’absorber dans les embrassades et les explications, car on perdrait la pièce de vue ; on se refroidirait sur l’affaire principale de la vie, sur ce qui passe avant tout ici, l’art dramatique !

— Un seul et dernier mot, lui dis-je en regardant Cécilia à la dérobée : pourquoi, cruels, m’aviez-vous abandonné ? Si le plus incroyable, le plus inespéré des hasards ne m’eût conduit ici, je ne vous aurais peut-être jamais revus qu’à travers la rampe d’un théâtre ; car tu m’avais promis de m’écrire, Célio, et tu m’as oublié !

— Tu mens ! répondit-il en riant. Une lettre de moi, avec une invitation de notre cher hôte, le marquis, te cherche à Vienne dans ce moment-ci. Ne m’avais-tu pas dit que tu ne repasserais les Alpes qu’au printemps ? Ce serait à toi de nous expliquer comment nous te retrouvons ici, ou plutôt comment tu as découvert notre retraite, et pourquoi il a fallu que ces demoiselles se compromissent jusqu’à t’écrire un billet doux sous ma dictée pour te donner le courage d’entrer par la porte au lieu de venir rôder sous les fenêtres. Si l’aventure d’hier soir ne m’eût pas mis sur tes traces, si je ne les avais suivies, ce matin, ces traces indiscrètes empreintes sur la neige, et cela jusque chez le voiturin Volabù, où j’ai vu ton nom sur une caisse placée dans son hangar, tu nous ménageais donc quelque terrible surprise ?

— Moi ? j’étais le plus sot et le plus innocent des curieux. Je ne vous savais pas ici. J’avais la tête échauffée par votre sabbat nocturne, qui met en émoi tout le hameau, et je venais tâcher de surprendre les manies de M. le marquis de Balma… Mais à propos, m’écriai-je en