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style de l’accoutrement guerrier était un mélange d’antique et de rococo, comme on le voit employé dans les panoplies de nos derniers siècles. Je me hâtai de revêtir cet étrange costume, même le masque, qui représentait la figure austère et chagrine d’un vieux capitaine, et dont les yeux blancs, doublés d’une gaze à l’intérieur, avaient quelque chose d’effrayant. En me regardant dans la glace, cette gaze ne me permettant pas une vision bien nette, je me crus changé en pierre, et je reculai involontairement.

La porte se rouvrit. Stella vint m’examiner en silence, et en posant son doigt sur ses lèvres : « C’est à merveille, dit-elle en parlant bas. L’uom’ di sasso est effroyable ! Mais n’oubliez pas les gants blancs… Oh ! ceux-ci sont trop frais, salissez-les un peu contre la muraille pour leur donner un ton et des ombres. Il faut que, vu de près, tout fasse illusion. Bien ! venez maintenant. Mes frères vous attendent, mais mon père ne se doute de rien. Allons, comportez-vous comme une statue bien raisonnable. N’ayez pas l’air de voir et d’entendre ! »

Elle me fit descendre un escalier dérobé, pratiqué dans l’épaisseur d’un mur énorme, puis elle ouvrit une porte en bas, et me conduisit à un siége où elle me laissa en me disant tout bas : « Posez-vous bien. Soyez artiste dans cette pose-là ! »

Elle disparut ; le plus grand silence régnait autour de moi, et ce ne fut qu’au bout de quelques secondes que la gaze de mon masque me permit de distinguer les objets mal éclairés qui m’environnaient.

Qu’on juge de ma surprise : j’étais assis sur une tombe ! Je faisais monument dans un coin de cimetière éclairé par la lune. De vrais ifs étaient plantés autour de moi, du vrai lierre grimpait sur mon piédestal. Il me fallut encore quelques instants pour m’assurer que j’étais