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ne me laissèrent plus aucun doute sur le sexe du personnage muet.

Je dois dire à ma louange que je n’eus pas un instant d’inquiétude sur les suites de mon aventure. Quelque inexplicable qu’elle fût encore, je n’eus pas le provincialisme de redouter une mystification de mauvais goût ; je ne m’étais muni d’aucun poignard, et les menaces de mes jolies sibylles ne m’inspiraient aucune crainte pour mes oreilles ni même pour ma moustache. Je voyais assez clairement que j’avais affaire à des personnes d’esprit, et le souvenir de leurs figures, le son de leurs voix, ne trahissaient en elles ni la méchanceté ni l’effronterie. Certes, elles étaient autorisées par leur père, qui sans doute me connaissait de réputation, à me faire cet accueil romanesque, et, ne le fussent-elles pas, il y a autour de la femme pure je ne sais quelle indéfinissable atmosphère de candeur, qui ne trompe pas le sens exercé d’un homme.

Je sentis bientôt, à la chaleur de la température et à la sonorité de mes pas, que j’étais dans le château ; on me fit monter plusieurs marches, on m’enferma dans une chambre, et la voix de Béatrice me cria à travers la porte : « Préparez-vous, ôtez votre bandeau, revêtez l’armure, mettez le masque, n’oubliez rien ! On viendra vous chercher tout à l’heure. »

Je me trouvai seul dans un cabinet meublé seulement d’une grande glace, de deux quinquets et d’un sofa, sur lequel je vis une étrange armure. Un casque, une cuirasse, une cotte, des brassards, des jambards, le tout mat et blanc comme de la pierre. J’y touchai, c’était du carton, mais si bien modelé et peint en relief pour figurer les ornements repoussés, qu’à deux pas l’illusion était complète. La cotte était en toile d’encollage, et ses plis inflexibles simulaient on ne peut mieux la sculpture. Le