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à de gros serpents noirs courant sur les murs et se roulant autour des balustres. J’avais monté sans hésiter l’escalier bordé de grands vases de terre cuite qui entaillait noblement le perron sur chaque face. Tous les volets étaient hermétiquement fermés ; je ne craignais pas qu’on me vit de l’intérieur. Je voulais écouter ces bruits étranges, ces cris, ces roulements de tonnerre, ces meubles mis en danse, cette musique infernale dont ma vieille hôtesse m’avait rempli la cervelle.

Je ne fus pas longtemps sans reconnaître qu’on agissait énergiquement dans cette demeure silencieuse et déserte au dehors. De grands coups de marteau résonnaient dans l’intérieur, et des éclats de voix, comme de gens qui disentent ou s’avertissent en travaillant, frappèrent confusément mon oreille. Tout cela se passait fort près de moi, probablement dans une des pièces du rez-de-chaussée ; mais les contrevents en plein chêne, rembourrés de crin et garnis de cuir, ne me permettaient pas de saisir un seul mot.


Les aboiements d’un chien m’avertirent de me tenir à distance. Je descendis le perron, et bientôt j’entendis ouvrir la porte que je venais de quitter. Le chien hurlait, je me crus perdu, car le clair de lune ne me permettait pas de franchir l’espace découvert qui me séparait des premiers massifs.

— Ne laisse pas sortir Hécate ! dit une voix que je reconnus aussitôt pour celle de la plus jeune de mes deux héroïnes. Elle est folle au clair de la lune, et elle casse tous les vases du perron.

— Rentrez, Hécate ! dit l’autre, dont je reconnus aussi la voix. Elle ferma la porte au nez de la grande levrette, qui les avertissait de ma présence et gémissait de n’être pas comprise.

Les deux jeunes filles s’avancèrent sur le perron. Je