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Bellamare. L’accès de fou rire qui s’empara de nous et qui se prolongea longtemps, l’agréable surprise que nous fit éprouver la vue d’une table, d’une vraie table servie à l’européenne avec tous les ustensiles qui permettent de ne pas déchiqueter la viande avec les ongles, nous firent oublier que nous avions grand’faim, que les mets refroidissaient et que le prince se faisait attendre plus qu’il ne convenait à un homme élevé en France. Enfin la porte du fond s’ouvrit, et nous vîmes apparaître d’abord un petit groom du type parisien le mieux accentué, en costume anglais irréprochable, puis un grand jeune homme maigre, vêtu à l’avant-dernière mode française, c’est-à-dire de quatre à cinq ans en arrière du mouvement. Il était joli garçon, mais sans grâce, et le bas de son visage avait comme un ravalement de sottise ou de timidité. Nous pensâmes que c’était, un secrétaire, peut-être un parent du prince, sortant à son tour du collège Henri IV, peut-être son frère, car il lui ressemblait. Il parla, s’excusant d’avoir mis trop de temps à une toilette dont il avait un peu perdu l’habitude… déception ! c’était le prince lui-même rajeuni et amoindri par la chute de ses puissantes moustaches, rasé, coiffé, pom-