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quitter, et je me consolai du départ de Laurence, car j’étais contente de moi.

» Et maintenant que trois ans se sont encore écoulés sur mon sacrifice, trois ans qui ont certainement dû guérir Laurence, et durant lesquels j’ai été plus que jamais nécessaire et utile à Bellamare, car je l’ai vu enfin mûrir, se préoccuper du lendemain par affection pour moi, se priver des vains plaisirs pour me soigner quand j’étais souffrante, renoncer aux enivrements qui l’avaient dominé jusque-là, dans la crainte de dissiper les ressources personnelles qu’il voulait me consacrer, en un mot, faire acte d’un homme prévoyant et contenu, la chose la plus impossible pour lui, dans le seul dessein de me soutenir au besoin, — c’est maintenant que je regretterais de ne pas être riche par le fait d’un autre ? J’avouerais à Laurence que j’aurais pu l’aimer, je reviendrais à lui parce qu’il a hérité de son oncle ? Et vous m’estimeriez ? et il pourrait m’estimer encore ? et je n’aurais pas honte de moi-même ? Non, madame, ne craignez rien ; j’ai trop étudié Chimène dans le texte pour n’avoir pas compris et adopté la devise espagnole : Soy quien soy. Je me souviens trop d’avoir eu un père