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vin qui a cent ans de bouteille, avoir un harem mieux installé et mieux caché que celui du prince Klémenti. Je peux avoir mieux que lui un théâtre, une troupe à mes gages ; mon oncle m’a fait une subvention de cent mille francs, comme celle de l’Odéon ! J’aurai de l’art pour mon argent, comme j’ai de la poésie par droit d’héritage, une belle nature où je taille et plante à mon gré, Voyez ! n’est-ce pas un site romantique ? ajouta-t-il en tirant le rideau ouaté de la fenêtre et en me montrant le paysage à travers les vitres claires, diamantées au bord par la gelée. Regardez ! je n’aime pas les persiennes. Rien n’est plus doux que de regarder du coin de son feu les frimas du dehors. La neige ne tombe plus que par légers flocons que la lune argente mollement. Là-bas, au-dessous de mon parc, la Seine, large comme un bras de mer, coule paisible et puissante. Ces grands cèdres noirs qui encadraient le fond laissent glisser sans bruit sur la neige qui tapisse leurs pieds les amas de neige qui tapissent leurs branches. Voilà un beau décor délicieusement éclairé ! c’est grand et solennel, c’est morne, c’est muet comme un cimetière, c’est mort commue moi !… Ô Impéria !