Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

de moi, qui sais pratiquer le dévouement par un grand parti pris de volonté, mais qui, rendu à moi-même, ne puis plus rien voir qu’au travers de moi-même. Elle s’oublie, elle ; elle prendrait toutes les empreintes qu’on voudrait lui donner, elle saurait être un autre, voir par ses yeux, respirer par ses poumons, s’identifier à lui et disparaître.

Vous le voyez, c’est l’idéal de la compagne, de l’amie, de l’épouse. Joignez à cela qu’elle est libre, veuve et sans enfants. Elle a mon âge à peu près. Elle est assez riche pour n’avoir aucun souci de ma fortune, et sa naissance ne diffère pas de la mienne : son grand-père était un paysan. Elle a vu le monde, elle ne l’a jamais aimé. Elle veut le quitter tout à fait, n’ayant rencontré personne qui lui ait fait désirer de se remarier. Elle a appris que l’abbaye de Saint-Vandrille était à vendre pour une somme assez minime, et, comme elle a assez de goût et d’instruction pour aimer la conservation des belles choses, elle est venue passer quelques mois dans les environs, afin de savoir si le climat conviendrait à sa santé et si le pays environnant lui assurerait le genre de vie tranquille et retiré qu’elle rêve. La maisonnette qu’elle a louée touche à mon parc, et