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vous retournerez au théâtre, ou que vous chercherez à entrer dans le monde. N’atrophiez pas votre intelligence de gaieté de cœur, n’ébranlez pas par les excès votre admirable organisation. » Mais il craignait tant d’entendre parler de l’avenir, ce mot seul le crispait si subitement, que je n’osai pas même le prononcer. Je vis bien que son sacrifice était encore plus douloureux qu’il ne voulait l’avouer, et que l’idée d’une liberté qui ne pouvait arriver qu’à la mort de son père lui causait une terreur et une anxiété profondes.

Je me permis seulement de lui dire que, dût-il être jardinier toute sa vie, il ne fallait pas plus s’abrutir dans cette condition-là que dans toute autre, et je fus d’autant plus éloquent que j’avais été surpris l’avant-veille par une ivresse bien conditionnée. Il me promit de s’observer et de vaincre ces moments de lâcheté où il faisait trop bon marché de lui-même. Il me remercia chaleureusement de la sympathie très-réelle que je lui exprimais ; nous passâmes encore deux jours ensemble, et je le quittai avec chagrin. Je ne pus lui faire promettre de m’écrire.

— Non, me dit-il, j’ai assez remué les cendres