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c’était son droit. Je l’aime encore, je l’aimerai toujours ; mais j’ai juré de la laisser tranquille, puisqu’elle aime ailleurs. Je me soumets, non passivement, cela ne m’est possible qu’en apparence, mais par une exaltation secrète dont je ne fais part à personne. J’y mets peut-être la vanité du cabotin qui aime les rôles sublimes, mais je joue mon drame sans contrôle d’aucun public. Quand cette exaltation devient trop vive, je me fais le comédien, c’est-à-dire le rapsode, le boute-en-train et le chanteur de ballades villageoises de mes camarades villageois. Je bois de temps en temps pour m’étourdir, et, quand mon imagination a des élans trop élevés, je fais la cour à des filles laides qui ne sont pas cruelles et qui n’exigent pas que je mente pour les persuader.

Cela durera autant que la vie de mon père, et j’ai dû me faire une philosophie bien trempée pour me préserver du désir sacrilège de sa mort. Je ne me permets donc jamais de penser à ce que je deviendrai quand je l’aurai perdu. Sur l’honneur, monsieur, je n’en sais rien et ne veux pas le savoir.

Voilà qui vous explique comment l’homme que vous avez vu à moitié ivre, hier au cabaret est le