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de m’avoir deux fois sacrifié, la première à son ambition, la seconde à sa dévotion, il n’a pas compris sa faute, il en est innocent ; je m’en venge en l’aimant davantage. J’ai besoin d’aimer, moi ; je suis une nature de chien fidèle. Mon père est devenu l’enfant qu’on m’a confié et que je garde, ou plutôt je suis une nature d’amoureux, j’ai besoin de servir de protéger quelqu’un ; le vieillard s’est donné à moi, c’est mon emploi de veiller sur lui et de lui épargner tout chagrin, tout danger, toute inquiétude. Je lui suis reconnaissant de ne pouvoir se passer de moi, je le remercie de m’avoir enchaîné.

Vous pensez bien que cette résignation ne m’est pas venue en un jour ; j’ai beaucoup souffert ! La vie que je mène ici est l’antipode de mes goûts et de mes aspirations, mais je la préfère aux mesquin nés ambitions de clocher qu’on voulait me suggérer. Je n’ai pas voulu du plus mince emploi ; je ne veux pas d’autre chaîne que celle de l’amour et de ma propre volonté. Celle que je porte me blesse quelquefois jusqu’au sang, mais c’est pour mon père que je saigne, et je ne veux pas saigner pour un sous-préfet, pour un maire, ou même un contrôleur de finances. Si j’étais percepteur, mon cher monsieur,