Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée

trouvons pas notre écueil dans cette traversée, il est probable que nous n’aurons jamais ni le temps ni le moyen de le chercher. Ne vous semble-t-il pas inouï qu’à deux journées de l’Italie, en pleine Europe civilisée, sur une mer étroite fréquentée à toute heure, explorée dans tous les sens, nous ayons été perdus sur une île inconnue, comme si nous eussions été en quête d’une terre nouvelle dans un voyage d’exploration vers les pôles ? Cette aventure-là est si invraisemblable, que nous n’oserons jamais la raconter. On ne nous croira pas quand nous dirons que le patron et les deux matelots qui nous accompagnaient sont morts sans avoir pu dire le nom de l’écueil, sans le savoir probablement, et que ceux qui sont venus nous y chercher et qui ont dû nous l’apprendre n’ont pas trouvé un seul de nous capable de l’entendre et de le retenir. J’avoue que, pour mon compte, j’étais tout à fait imbécile. J’agissais toujours machinalement, je vous soignais tous, et Impéria m’aidait. Léon et notre pauvre Marco s’occupaient aussi des malades ; mais il me serait impossible de dire combien de temps nous avons mis pour gagner Raguse, et j’y ai bien passé deux jours avant