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qui serpentait dans la plaine était bien la route de Raguse ; nous n’avions que les montagnes dalmates à traverser, et nous nous mîmes en route, toujours à jeun. Nous rencontrâmes des habitations ; nous n’avions pas un sou pour payer un déjeuner quelconque. On se fouilla, on s’éplucha ; quelques boutons de manchettes oubliés dans le dépouillement opéré pour la rançon, quelques foulards, une boucle d’oreille, c’était de quoi vivre jusqu’à Raguse, et on se trouvait riche encore pour un jour. Après cela, ce serait la mort ou la mendicité, nouvelle face de cette aventureuse existence qui semblait vouloir ne nous épargner aucune mauvaise chance.

Nous avisions devant nous une petite ferme qui avait un peu l’aspect d’une chênaie normande.

— Allons frapper là, dit Bellamare ; mais il s’agit de ne pas faire peur aux gens, et nous avons piteuse mine. — Mesdames, un peu de toilette, s’il vous plaît ; redonnez un peu de chic à vos petits chapeaux déformés ; rattachez avec des épingles, si vous avez des épingles, vos jupes déchirées. — Messieurs, refaites le nœud de vos