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dans la salle, c’étaient tous les yatagans tirés de la ceinture et brandis au-dessus des têtes. Toutes ces longues figures imposantes, qui depuis le commencement de la représentation nous contemplaient avec une attention majestueuse et froidement bienveillante, devinrent terribles : les moustaches se hérissèrent, les yeux lancèrent des flammes, les poings menacèrent le ciel, Impéria eut peur. Ce public de lions du désert, qui semblait vouloir s’élancer sur elle en rugissant et en montrant les griffes, faillit la faire fuir dans la coulisse ; mais Moranbois lui criait de sa voix rauque au milieu du vacarme :

— Tiens ton effet, tiens-le ! toujours, toujours !

Elle fit ce qu’elle croyait ne pouvoir faire de sa vie ; elle s’avança jusque sur la rampe, bravant le public et gardant son impassible audace, rendue plus émouvante par la délicatesse de sa taille et de son type d’enfant. Alors, ce fut un transport de sympathie dans la salle ; tous ces héros de l’Illiade, comme les appelait Bellamare, lui envoyèrent des baisers ingénus et lui jetèrent leurs écharpes d’or et de soie, leurs chaînes d’or et d’argent, et jusqu’aux riches agrafes de leurs toques : on en eut pour une heure à tout ramasser.