Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle souriait, elle était merveilleusement belle, et j’entendis qu’elle me disait :

― Sois donc tranquille, grand enfant ! Ne t’ai-je pas dit que je t’aime ? Ne sais-tu pas que notre vie terrestre n’est qu’une vaine fantasmagorie, et que nous sommes à jamais unis dans le monde transparent et radieux de l’idéal ? Ne vois-tu pas que le moi terrestre de Walter est obscurci par les âcres vapeurs de la houille, que ce malheureux n’a aucun souvenir, aucun pressentiment de sa vie éternelle, et que, tandis que je me plais sur les hauteurs sereines où la lumière du prisme rayonne des feux les plus purs, il ne songe qu’à s’enfouir dans les opaques ténèbres de la stupide anthracite ou dans les sourdes cavernes où la galène opprime de son poids effroyable tout germe de vitalité, tout essor vers le soleil ? Non, non, Walter n’épousera en cette vie que l’abîme, et moi, fille du ciel, j’appartiens au monde de la couleur et de la forme ; il me faut les palais dont les murs resplendissent et dont les aiguilles chatoient dans l’air libre et l’éclat du jour. Je sens autour de moi le vol incessant et j’entends