Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

― Plus tard ! plus tard ! me disait-elle avec un mystérieux sourire. Reprends tes forces, et nous verrons si tu as fait un rêve de poète ou de fou.

Je compris que je m’exprimais assez mal, et que ce monde qui m’avait paru si beau devenait ridicule en passant par le pédantisme prosaïque de ma narration. Je me promis de former mon esprit et de l’assouplir aux formes usitées du langage.

Je m’étais beaucoup attaché à Laura durant ma maladie. Elle m’avait distrait dans mes mélancolies, rassuré dans mes cauchemars, soigné en un mot comme si j’eusse été son frère. Dans l’état de faiblesse où je fus longtemps plongé, les ardeurs de l’amour n’avaient pu s’emparer que de mon imagination sous la forme de rêves fugitifs. Mes sens étaient restés muets, mon cœur ne parla réellement que le jour où mon oncle m’annonça le départ de ma cousine.

Nous revenions du cours, auquel j’avais assisté pour la première fois depuis ma maladie.

― Tu sais, me dit-il, que nous ne déjeunerons pas aujourd’hui avec Laura. La cousine Lisbeth est