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fum de la petite rose musquée ramenait mon être sous la dépendance de l’instinct. J’aimais cette rose, et je croyais pourtant haïr celle qui l’avait cueillie. Je la respirais avec des aspirations qui se traduisaient en baisers, je la pressais contre mes lèvres avec un dépit qui se traduisait en morsures. Tout à coup je sentis une main légère se poser sur mon épaule, et une voix délicieuse, la voix de Laura, me parla dans l’oreille.

― Ne te retourne pas, ne me regarde pas, disait-elle ; laisse cette pauvre rose tranquille, et viens cueillir avec moi les fleurs de pierreries qui ne se flétrissent pas. Viens, suis-moi. N’écoute pas les raisonnements froids de mon oncle et les blasphèmes de Walter. Vite, vite, ami, partons pour les féeriques régions du cristal. J’y cours, suis-moi, si tu m’aimes !

Je me sentis tellement surpris et troublé, que je n’eus ni la force de regarder Laura, ni celle de lui répondre. D’ailleurs, elle n’était déjà plus à mon côté ; elle était devant moi, comme si elle eût traversé la vitrine, ou que la vitrine fût devenue une