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et dégageons-la des voiles dont l’imagination l’enveloppe et la défigure.

» Tous les linguistes et tous les musiciens de l’univers seraient ici à me jurer que le langage de ce ruisseau ne peut être ni traduit ni noté, que ce n’est là ni chant ni parole, ils ne me convaincraient pas, puisque cette eau parle et chante tout à la fois. Il s’agirait pour eux de me prouver que ce qu’elle parle et chante n’a aucun sens ; ils n’en viendraient pas à bout davantage, car où j’entends un langage, j’ai la certitude qu’il y a l’expression d’une émotion ou d’une sensation, ou tout au moins d’une vitalité quelconque.

» Tout parle et chante sous le ciel et probablement dans le ciel ; qui osera décider que, dans la nature, il y ait une voix inutile, un chant qui n’exprime rien ? Non, il n’y a pas même un cri, un souffle, un rugissement, un murmure, une explosion, un bruit enfin qui ne signale ou ne traduise une action, un mode d’existence ou un accident logiquement survenu dans le cours de la vie universelle.