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choses réelles était aussi le but de ma promenade ; mais il ne dépendait pas de moi de n’être pas visité et interpellé de temps en temps par les esprits fantastiques qui ne lâchent guère un pauvre diable de poëte.

— Je te jure aussi, moi, lui dis-je, que ce ruisseau ne chante pas au hasard. Nous sommes des sourds qui voulons faire les esprits forts, et nous parlons des voix de la nature comme les aveugles des couleurs. Si nous avions un peu d’intelligence et beaucoup de patience, nous finirions par comprendre ce que dit ce filet d’eau.

— Attends ! reprit Lothario ; veux-tu que je lui fasse dire tout autre chose que ce que tu crois entendre ? Je conviens avec toi qu’il a une très-jolie voix, et qu’il a l’air d’articuler des syllabes assez variées ; mais je vais soulever cette grosse pierre, déranger les cailloux qu’elle nous cache, et tu verras que ton ruisseau perdra la voix ou chantera un tout autre motif.

— Cette proposition me remplit d’horreur, m’écriai-je, et je te défends de toucher à cette voix !