Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’instinct de l’homme, c’est le progrès. Il est plus qu’un être perfectible, il est un être perfectionneur.

Voilà ce que j’ai lu et compris. L’ai-je bien compris ? Il me semble que oui. Le poëte n’a pas voulu seulement déifier les poëtes. Il n’a pas voulu dire que, dans cette race incapable d’avancer, Dieu a jeté de siècle en siècle quelques êtres d’exception destinés à lui crier : « Nous marchons sans toi. Nous sommes seuls élus ; tu auras besoin, toi, pour exister, des lentes découvertes de la science. Nous venons de Dieu directement ; tu es né, toi, du chêne ou du rocher. »

Non ! il y a un chapitre magnifique sur les âmes qui prouve bien que, si Dieu verse plus de lumière sur une tête que sur une autre, c’est par de mystérieux desseins sur toutes. Pourquoi cet atome, pareil aux autres atomes, devient-il Homère ou Hésiode ? C’est parce que le moment est venu où l’humanité, enceinte de ses génies, peut et veut les mettre au monde. Ils sont initiés au prodigieux, mais ils ne sont pas nés du prodige. Ils nous appartiennent, ils sont notre chair et nos os.