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J’ai redescendu la corniche, tout honteux de ce dégât et tout fier d’avoir respecté la grande scille.

De ce point du rivage la Creuse tourne encore et s’enfonce dans cette haute coupure sans roches apparentes qui en elle-même n’est belle que de mouvement ; mais tu sais comme elle s’embellit aux approches du soir, quand elle plonge tout entière dans une ombre vaporeuse d’un bleu suave. L’heure était venue ; car, à compter les arbres et les fleurs de la corniche, j’avais été d’un train à faire une lieue à la journée. Les peupliers du moulin avec leurs jeunes feuilles se découpaient en nuages d’or sur cette ombre. Derrière moi, tout le paysage avait changé ; toute la splendeur répandue en traînées de flammes sur les masses d’arbres et de rochers était devenue profil sur leurs flancs. Les nimbes de lumière s’étaient changés en flèches. L’eau était si transparente que l’on voyait au fond, sur le sable, la trace des griffes de la loutre et tout le plan de sa chasse aquatique. Le bateau était sur l’autre rive, et je ne voulus pas faire faire à mes hommes ce