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Ce qui a créé la grande objection contre le progrès, la science toujours dépassée contre l’idéal indépassable, c’est au fond la grande lutte entre le savant et l’artiste. Chose étrange, tous les savants n’ont pas la certitude de la loi de progrès, qui cependant est le domaine inépuisable et indéfini de la science ; par contre, la plupart des artistes croient au progrès, bien que pour l’art il n’y ait pas de progrès possible. Évidemment personne ne s’était compris jusqu’à présent. Au nom de la raison, le savant disait : « N’allons pas vite, et doutons de tout ce qui n’est pas prouvé. » Au nom du sentiment, l’artiste disait : « Allons vite et toujours ; il y a toujours plus et mieux que ce qui a fait sa preuve. » Doute trop modeste du savant ! Espoir trop enivré de l’artiste ! L’un a déjà derrière lui tout ce qui peut être atteint ; l’autre a encore devant lui tout ce qu’on pourra atteindre.

Et pourquoi, rentrant en lui-même, chacun de ces grands travailleurs serait-il attristé de reconnaître son erreur ? Si la science n’est jamais finie et ne s’arrête à aucun homme, quelque prudent ou