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Mon oncle Tungsténius (c’est le nom de guerre qui avait remplacé son nom de famille) était passablement malicieux sous son apparente bonhomie. Il avait juré de venir à bout de ma résistance, en ayant l’air de ne pas s’en apercevoir. Un jour, il imagina de me faire subir une épreuve redoutable, qui fut de me remettre en présence de ma cousine Laura.

Laura était la fille de ma tante Gertrude, sœur de feu mon père, dont mon oncle Tungsténius était le frère aîné. Laura était orpheline, bien que son père à elle fût vivant. C’était un négociant actif qui, à la suite de médiocres affaires, était parti pour l’Italie, d’où il avait passé en Turquie. Là, il avait trouvé, disait-on, moyen de s’enrichir : mais on n’était jamais sûr de rien avec lui, il écrivait fort peu, et reparaissait à de si rares intervalles, que nous le connaissions à peine. En revanche, nous nous étions beaucoup connus, sa fille et moi, car nous avions été élevés ensemble à la campagne ; puis était venu l’âge de nous séparer pour nous mettre en pension,