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pas ne nous ramèneront jamais, mais qui nous plaît et dont nous avons résolu de ne jamais nous dessaisir. Si nous ramassons là une fleur, un caillou, un brin de toison pris au buisson du chemin, cet objet insignifiant aura la magie d’évoquer le tableau qui nous a charmés, une magie plus forte que notre mémoire, car il nous retrace instantanément, et à de grandes distances de temps, un monde redevenu vague dans nos souvenirs. L’esprit ne se perd-il pas à chercher la raison de ce petit prodige ? N’est-elle pas dans cette relation à la fois spiritualiste et panthéistique qui fait que nous appartenons à la nature tout autant qu’elle nous appartient ?

Le phénomène est bien plus frappant encore, si l’objet, devenu talisman sympathique, nous retrace une personne aimée : morte ou vivante, elle nous apparaît sans qu’il soit besoin de croire à la comparution fantastique du spectre. C’est ici surtout qu’il est évident que, jusqu’à un certain point, les autres sont nous et que nous sommes les autres, et que toutes les choses de ce monde sont nous