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lampe et ton encrier en pyramide avec sa cuvette de faïence. Voyons, éveille-toi au son du piano de Laura, qui en ce moment chante une romance à son père, lequel fume tranquillement sa pipe à la fenêtre du salon.

Je me levai impétueusement. Walter avait disparu, la mer d’opale brillait à mes pieds, et l’aurore boréale dessinait un arc-en-ciel immense au-dessus de moi. Nasias, assis à quelque distance, fumait réellement sa pipe, et j’entendais distinctement la voix de Laura et les notes de son piano. Ce mélange de rêve et de veille me tourmenta une partie de la nuit. La voix de Laura, si douce dans mon souvenir, prenait en ce moment une réalité choquante, car Laura ne savait guère chanter, et elle avait un petit blaisement enfantin qui rendait comique la musique sérieuse. Ce n’est que dans le cristal que sa parole se dégageait de ce défaut. Impatienté, je me mis à la fenêtre de ma chambre et lui criai à travers le jardin de ne pas écorcher la romance du Saule. Elle n’en tint compte, et de dépit je me recouchai sur mon lit d’amiante, où, en